Produire / faire ses graines bio ?
Comment faire soi-même ses graines bio? Quand on est dans une démarche d’autonomie, la question titille forcément! Apprendre à produire ses propres semences est à la fois plus économique mais aussi plus pertinent… Petit à petit vous participerez à faire évoluer des variétés de légumes adaptées à votre sol et climat qui seront plus productives et résilientes. Et c’est là tout un savoir-faire!
Démarrer à partir de graines bio reproductibles
Il est primordial de démarrer à partir de graines qui soient reproductibles… et non de graines hybrides F1 ou de graines dont on n’est pas sûres (fort risque de pollinisation croisée). Mise à part les tomates, toutes les graines d’autres légumes récupérées par exemple chez votre maraîcher, risquent d’être déjà hybrides étant donné qu’ils cultivent certainement plusieurs variétés de la même espèces. Alors, où se procurer les semences qui vont bien? J’en parle dans cet article!
Pour les débutants, commencez par garder vos graines de tomates et laitues, ce sont les plus faciles. Comme ces graines sont autogames et hermaphrodites, avec des fleurs fermées, il y a en effet peu de risque d’hybridation! Vous pouvez aussi récolter vos graines d’aromatiques annuelles, tel le persil, le cerfeuil, la coriandre… ou encore la ciboulette pour faire des cadeaux!
Comprendre et éviter les hybridations
Un peu de biologie…
À retenir que les graines allogames ont tendance à facilement s’hybrider avec d’autres variétés au sein de la même espèce. Par exemple chez les cucurbitacées, du genre cucurbita, il y a 4 grandes espèces comestibles qui ne peuvent pas s’hybrider entre elles :
- Cucurbita maxima : potirons, potimarrons (variétés telles que Bleu de Hongrie, Atlantic giant, Golias, Pink banana…)
- Cucurbita moschata : courges musquées (variétés telles que Butternut, Musquée de Provence, Longue de Nice, Sucrine du Berry, Sweet mama…)
- Cucurbita pepo : courgettes mais aussi des courges et citrouilles (variétés telles que Pâtisson, Patidou, Courges spaghettis, Jack O Lantern, Lady Godiva, Pomme d’or…), ainsi que la fausse coloquinte (la vraie coloquinte, toxique, appartient à une autre famille, donc aucun risque d’hybridation).
- Cucurbita ficifolia : une seule variété, la courge de Siam (peu aromatique, assez farineuse, plutôt utilisée en confitures ou potages)
- + Cucurbita lagenaria : courge gourde et calebasse (non comestible, uniquement pour décoration et fabrication d’ustensiles).
⚠ Pour être certain de conserver une variété pure, dans le cas des cucurbitacées, il faut alors une distance d’environ 1km entre deux cultures de deux variétés de la même espèce.
Précautions à prendre
Si vous avez la chance de ne pas avoir d’autres potagers voisins, le plus simple est alors de ne cultiver qu’une seule variété par espèce. Vous pourrez toujours faire du trocs de légumes avec les copains/copines pour varier les plaisirs. C’est ce que je fais!
Dans mon cas, je cultive alors au potager : la courgette Nimba (pepo), la courge musquée Longue de Nice (moschata), la courge Pink Banana Jumbo (maxima) et la courge de Siam (ficifolia). Je n’ai alors aucune précaution à prendre, je peux simplement collecter les graines de mes courges au moment où je les consomme. Par contre pour la courgette, je dois veiller à laisser grossir et murir un fruit “porte-graines” sur plusieurs plants. À noter que ces fruits ne seront alors pas consommables et que les plants seront beaucoup moins productifs (comme ils continueront à nourrir et faire grossir ces fruit non-cueillis pendant tout l’été). Je prévois alors de cultiver plus de plants de courgettes que d’habitude : 6 plants au lieu de 3.
Quelle est la distance à laisser entre deux variétés de la même espèce de légume ? Quelles précautions prendre si cette distance ne peut pas être respectée ? J’ai constitué ce tableau récap’ pour donner une vue d’ensemble.
Faire sécher, extraire et trier ses semences
Astuce: Quand on a une maison trop humide, on peut aussi essayer de faire sécher dans une voiture, sur la sièges à l’arrière, à l’abri dans des draps, lorsqu’il y a un peu soleil.
Astuce: Concernant les tamis, le mieux est bien sûr de mutualiser avec des copains et copines pour limiter les frais… Faites un tour du côté de La Tamiserie pour de chouettes modèles avec un cadre en bois et fabriqués en France.
Lorsque les graines se trouvent dans une gousse…
Dans le cas des fabacées (haricots, pois, fèves), récoltez les tiges avec les gousses sèches dessus en fin d’été. Mettez-les par exemple dans un drap ou dans une poubelle. Laissez sécher dans un lieu frais et ventilé à l’abri de la lumière. Certains laissent alors comme cela dans les gousses jusqu’au moment de semer. D’autres écossent les gousses et lorsque les grains sont bien secs, les passent au congélateur 15 jours dans des sachets plastiques hermétiques. Cela permettra de tuer tout insecte qui pourrait manger la graine, tels les bruches et charançons.
Lorsque les graines se trouvent dans le fruit…
Dans le cas des solanacées (tomate, poivron, aubergine, physalis) et des cucurbitacées (courges, courgettes, concombres, melons), les graines se trouvent dans le fruit. Il faudra alors les extraire du fruit à maturité en les rinçant à l’eau. Si des graines flottent, c’est sûrement qu’elles sont vides et donc pas bonnes. Faites ensuite sécher en les étalant bien dans des serviettes de table en coton ou des filtres à café, par exemple.
À noter :
- Tomate (et concombre potentiellement) : laisser macérer les graines dans l’eau pendant 48h pour que le gel anti-germinatif qui se trouvent autour s’en aille.
- Poivron : la couleur du fruit mûr est différente en fonction de la variété.
- Aubergine, courgette et concombre : bien laisser murir quelques fruits porte-graines, ils vont alors jaunir/doré. Les légumes ne seront alors plus consommables.
- Aubergine et physalis : mixer le fruit avec de l’eau, les graines se déposeront au fond.
Lorsqu’il faut laisser “monter en fleurs” + eau
Dans le cas des amaryllidacées, récoltez les boules de graines des poireaux et oignons de vos porte-graines lorsqu’ils auront monté en fleurs, le tout par temps sec. Ne pas garder ceux qui montent en fleurs précocement, sinon vous risquez d’ensuite d’avoir tous les ans des poireaux et oignons qui montent en fleurs trop vite. Vous pourrez ensuite égrainer ces boules florales dans un bol d’eau. Écumez les débris qui flottent. Récupérez les graines au fond. Faites ensuite sécher en les étalant bien dans des serviettes de table en coton ou des filtres à café, par exemple.
Lorsqu’il faut laisser “monter en fleurs” + tamis
Dans le cas des apiacées (panais, carottes, céleris), ces légumes-racines sont bisannuels. Le mieux est de pouvoir les laisser en terre tout l’hiver pour qu’ils montent ensuite en fleurs la 2ème année. Cependant, à cause des campagnols, ça peut poser problème. Dans ce cas, les déterrer en décembre, puis conserver dans des bacs de sable (bien sec) à l’abri de la pluie. On pourra replanter ces porte-graines au printemps par temps humide pour faciliter la reprise. Quand les fleurs sont devenues des graines, ne pas trop attendre non plus, car ça a tendance à rapidement s’ouvrir…
Dans le cas, des blettes, betteraves, ne pas garder celles qui montent en graines dès la 1ère année, mais bien plutôt sur la 2ème année. Laissez monter en fleurs les plus beaux spécimens (attention, pas en même temps, car ils peuvent s’hybrider entre eux)
Dans le cas des laitues, ne pas garder non plus les graines de celles qui montent précocement.
Dans le cas des brassicacées (choux, radis, navets). Laissez monter en fleurs les plus beaux spécimens de radis et radis noirs (attention, pas en même temps, car ils peuvent s’hybrider entre eux). Quant aux choux, récoltez-les, puis laissez la base du plant, il pourra alors monter en graine au printemps. Faites-le pour une variété différente chaque année. Et oui, comme les graines restent bonnes pendant plusieurs années, vous n’avez pas besoin de produire de la graine pour chaque variété chaque année!
Pour toutes ces variétés, récoltez les tiges florales / cyliques portant les graines un jour de temps sec. Entreprosez-les dans de grosses poubelles noires ou des seaux par exemple. Laissez-les continuer de sécher dans un endroit frais et ventilé à l’abri de la lumière. Une fois le tout bien sec, piétinez ou bien égrainez à la main, puis passez le tout dans un tamis aux mailles plus grosses que les graines, puis dans un tamis aux mailles plus fines que les graines.
Stocker ses semences
Un passage au congélateur ?
Pour les semences “sèches” qui n’ont pas été triées à l’eau, tels les fabacées et les apiacées, il est préconisé de les passer au congélateur 15 jours. Cela permettra de tuer tout insecte qui pourrait manger la graine, tels les bruches et charançons en particuliers dans les haricots, pois, fèves.
On entends parfois dire que certaines graines ont absolument besoin de passer par une phase de congélation (ou gel extérieur) pour lever leur dormance. Cependant cela n’est vrai que pour une toute petite minorité de semences : arroche, cerfeuil tuberculeux, echiniacées.
Conditions de stockage
Stockez vos semences dans un lieu frais et ventilé, par exemple à 12°c et 50% d’humidité, à l’abri de la lumière. Si vous avez de la place, vous pouvez aussi les laisser au congélateur tout le temps, encore mieux!
En complément des graines, vous pourrez aussi conserver des plants de :
- Pommes de terre : à stocker dans le noir total pour ne pas qu’elles germent, dans un endroit frais.
- Oignon patate, ail, échalote : à garder au sec et au chaud quelque part dans votre maison par exemple. Ne pas planter les plants qui auront germés trop vite.
Pour les + curieux
Découvrez cette très complète collection de vidéos pédagogiques en accès libre : www.diyseeds.org/fr/films
En sinon en Bretagne, il y a par exemple Arnaud, Le Potager Nourricier, qui propose des stages pour apprendre à récolter/produire ses graines. J’ai participé à ces deux journées de stage, c’était vraiment chouette!